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ainsi, au milieu de son ancienne famille, pendant un an ou deux ; après quoi, elle s’en retournerait au pays des âmes. Mais, au bout d’un certain temps, elle le quitterait derechef pour revenir faire sur terre un nouveau séjour qui, d’ailleurs, serait le dernier. Un moment viendrait où elle serait obligée de reprendre, et, cette fois, sans esprit de retour, la route de l’île des morts ; et là, après divers incidents dont il est inutile de rapporter le détail, un orage surviendrait au cours duquel elle serait foudroyée par un éclair. Sa carrière serait, alors, définitivement terminée[1].

Elle ne saurait donc se réincarner ; par suite, les conceptions et les naissances ne seraient pas dues à la réincarnation d’âmes qui, périodiquement, recommenceraient dans des corps nouveaux de nouvelles existences. Sans doute, Strehlow, tout comme Spencer et Gillen, déclare que, pour les Arunta, le commerce des sexes n’est aucunement la condition déterminante de la génération[2] ; celle-ci serait bien le produit d’opérations mystiques, mais différentes de celles que les précédents observateurs nous avaient fait connaître. Elle aurait lieu par l’une ou l’autre des deux voies suivantes.

Partout où un ancêtre de l’Alcheringa[3] est censé s’être enfoncé dans le sol, se trouve soit un rocher soit un arbre qui représente son corps. On appelle nanja, suivant Spencer et Gillen[4] ngarra, suivant Strehlow[5], l’arbre ou

  1. Strehlow, I, p. 15-16. Pour les Loritja, v. Strehlow, II, p. 7.
  2. Strehlow va jusqu’à dire que les relations sexuelles ne sont même pas considérées comme une condition nécessaire, une sorte de préparation à la conception (Il, p. 52, n. 7). Il ajoute, il est vrai, quelques lignes plus bas, que les vieillards savent parfaitement quel rapport unit le commerce charnel et la génération et que, pour ce qui regarde les animaux, les enfants eux-mêmes sont au courant. Ce qui ne laisse pas d’affaiblir un peu la portée de sa première affirmation.
  3. Nous employons, en général, la terminologie de Spencer et Gillen plutôt que celle de Strehlow, parce que la première est, dès à présent, consacrée par un long usage.
  4. Nat. Tr., p. 124, 513.
  5. I, p. 5. Ngarra, suivant Strehlow, signifie éternel. Chez les Loritja, il n’y a que des rochers qui jouent ce rôle.