ailleurs. Et cependant, elle reste auprès du cadavre ; le lien qui l’y rattache s’est détendu, il ne s’est pas brisé. Il faut tout un appareil de rites spéciaux pour la déterminer à s’éloigner définitivement. Par des gestes, par des mouvements significatifs, on l’invite à partir[1]. On lui fraye les voies, on lui ménage des issues afin qu’elle puisse s’envoler plus aisément[2]. C’est qu’elle n’est pas sortie tout entière du corps ; elle l’imprégnait trop profondément pour pouvoir s’en dégager d’un seul coup. De là vient le rite si fréquent de l’anthropophagie funéraire ; on consomme les chairs du mort parce qu’un principe sacré est censé y résider qui n’est autre que l’âme[3]. Pour l’extirper définitivement, on fait fondre les chairs, en les soumettant soit à la chaleur du Soleil[4] soit à l’action d’un feu artificiel[5]. L’âme s’en va avec les liquides qui s’écoulent. Mais les ossements desséchés en gardent encore quelque chose. Aussi les emploie-t-on comme objets sacrés ou comme instruments magiques[6] ; ou bien, si l’on veut mettre complètement en liberté le principe qu’ils recèlent, on les brise[7].
Un moment cependant arrive ou la séparation définitive est consommée ; l’âme libérée prend son essor. Mais elle est, par nature, si intimement associée au corps, que cet arrachement ne va pas pour elle sans une grave transformation d’état. Aussi prend-elle alors un autre nom[8]. Bien qu’elle garde tous les traits distinctifs de l’individu qu’elle
- ↑ V. la description du rite de l’Urpmilchima, chez les Arunta (Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 503 et suiv.).
- ↑ Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 497 et 508.
- ↑ Spencer et Gillen, North. Tr., p. 547, 548.
- ↑ Ibid., p. 506, p. 527 et suiv.
- ↑ Meyer, The Encounter Bay Tribe, in Woods, p. 198.
- ↑ Spencer et Gillen, North. Tr., p. 551, 463 ; Nat. Tr., p. 553.
- ↑ Spencer et Gillen, North. Tr., p. 540.
- ↑ Par exemple, chez les Arunta et chez les Loritja (Strehlow, 1, p. 15, n. 2 ; II, p. 77). L’âme, pendant la vie, s’appelle guruna et Ltana après la mort. Le Ltana de Strehlow est identique à l’ulthana de Spencer et Gillen (Nat. Tr., p. 514 et suiv.). De même chez les gens de la rivière Bloomfield (Roth, Superstition, etc., § 66).