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mais antagonisme[1]. Pour cette raison, le même Australien qui confond le Soleil et le kakatoès blanc, oppose ce dernier au kakatoès noir comme à son contraire. L’un et l’autre lui paraissent ressortir à deux genres séparés entre lesquels il n’y a rien de commun. Une opposition encore plus marquée est celle qui existe entre choses sacrées et choses profanes. Elle se repoussent et se contredisent avec une telle force que l’esprit se refuse à les penser en même temps. Elles se chassent mutuellement de la conscience.

Ainsi, entre la logique de la pensée religieuse et la logique de la pensée scientifique il n’y a pas un abîme. L’une et l’autre sont faites des mêmes éléments essentiels, mais inégalement et différemment développés. Ce qui paraît surtout caractériser la première, c’est un goût naturel aussi bien pour les confusions intempérantes que pour les contrastes heurtés. Elle est volontiers excessive dans les deux sens. Quand elle rapproche, elle confond ; quand elle distingue, elle oppose. Elle ne connaît pas la mesure et les nuances, elle recherche les extrêmes ; elle emploie, par suite, les mécanismes logiques avec une sorte de gaucherie, mais elle n’en ignore aucun.

  1. V. plus haut, p. 207.