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de participer à son culte. Quand on les enterre, on dispose le cadavre de manière à ce que le visage soit tourné vers la région ou se trouve le centre totémique de la mère. C’est donc que ce centre est aussi, à quelque titre, celui du défunt. Et en effet, on lui donne le nom de tmara altjira, mot qui veut dire : camp du totem qui m’est associé. Il est donc certain que, chez les Arunta, le totémisme héréditaire en ligne utérine n’est pas postérieur au totémisme local, mais, au contraire, a dû le précéder. Car le totem maternel n’a plus aujourd’hui qu’un rôle accessoire et complémentaire ; c’est un totem second, et c’est ce qui explique qu’il ait pu échapper à des observateurs aussi attentifs et aussi avertis que Spencer et Gillen. Mais pour qu’il ait pu se maintenir ainsi au second plan, faisant double emploi avec le totem local, il faut qu’il y ait eu un temps où c’était lui qui tenait la première place dans la vie religieuse. C’est, en partie, un totem déchu, mais qui rappelle une époque où l’organisation totémique des Arunta était très différente de ce qu’elle est aujourd’hui. Toute la construction de Frazer se trouve ainsi minée à sa base[1].

IV

Bien qu’Andrew Lang ait vivement combattu cette théorie de Frazer, celle qu’il propose dans ses derniers ouvrages[2] s’en rapproche sur plus d’un point. Comme

  1. Dans la conclusion de Totemism a. Exogamy (IV, p. 58-59), Frazer dit, il est vrai, qu’il existe un totémisme encore plus ancien que celui des Arunta : c’est celui que Rivers a observé aux îles Banks (Totemism in Polynesia and Melanesia, in J.A.I., XXXIX, p. 172). Chez les Arunta, c’est un esprit d’ancêtre qui est censé féconder la mère ; aux îles Banks, c’est un esprit d’animal ou de végétal, comme le suppose la théorie. Mais comme les esprits ancestraux des Arunta ont une forme animale ou végétale, la différence est ténue. Aussi, n’en avons-nous pas tenu compte dans notre exposé.
  2. Social Origins, Londres, 1903, particulièrement le chapitre VIII intitulé « The Origin of Totem Names and Beliefs », et The Secret of the Totem, Londres, 1905.