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nous avons faite au naturisme semble s’appliquer à tous les systèmes d’explication possibles.

Il en est un cependant qui y échappe. Supposons que la religion réponde à un tout autre besoin que celui de nous adapter aux choses sensibles : elle ne risquera pas d’être affaiblie par cela seul qu’elle ne satisfait pas ou satisfait mal ce besoin. Si la foi religieuse n’est pas née pour mettre l’homme en harmonie avec le monde matériel, les fautes qu’elle a pu lui faire commettre dans sa lutte avec le monde ne l’atteignent pas à sa source, parce qu’elle s’alimente à une autre source. Si ce n’est pas pour ces raisons qu’on est arrivé à croire, on devait continuer à croire alors même que ces raisons étaient contredites par les faits. On conçoit même que la foi ait pu être assez forte, non seulement pour supporter ces contradictions, mais pour les nier et pour empêcher le croyant d’en apercevoir la portée ; ce qui avait pour effet de les rendre inoffensives pour la religion. Quand le sentiment religieux est vif, il n’admet pas que la religion puisse être coupable et il suggère facilement des explications qui l’innocentent : si le rite ne produit pas les résultats attendus, on impute l’échec soit à quelque faute d’exécution soit à l’intervention d’une divinité contraire. Mais pour cela, il faut que les idées religieuses ne tirent pas leur origine d’un sentiment que froissent ces déceptions de l’expérience ; car alors d’où pourrait leur venir leur force de résistance ?

III

Mais de plus, alors même que l’homme aurait eu réellement des raisons de s’obstiner, en dépit de tous les mécomptes, à exprimer en symboles religieux les phénomènes cosmiques, encore fallait-il que ceux-ci fussent de nature à suggérer cette interprétation. Or d’où leur viendrait cette propriété ? Ici encore, nous nous trouvons en présence d’un