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L ELEMENT SOCIAL DU SUICIDE. 335 Aussi ceux-là mêraes qui ont attribué le plus d’influence aux conditions individuelles les ont-ils moins cherchées dans ces incidents extérieurs que dans la nature intrinsèque du sujet, c’est-à-dire dans sa constitution biologique et parmi les conco- mitants physiques dont elle dépend. Le suicide a été ainsi pré- senté comme le produit d’un certain tempérament, comme un épisode de la neurasthénie, soumis à l’action des mêmes facteurs qu’elle. Mais nous n’avons découvert aucun rapport immédiat et régulier entre la neurasthénie et le taux social des suicides. Il arrive même que ces deux faits varient en raison inverse l’un de Tautre et que l’un est à son minimum au même moment et dans les mêmes lieux où l’autre est à son apogée. Nous n’a- vons pas trouvé davantage de relations définies entre le mou- vement des suicides et les étals du milieu physique qui passent pour avoir sur le système nerveux le plus d’action, comme la race, le climat, la température. C’est que, si le névropathe peut, dans de certaines conditions, manifester quelque disposition pour le suicide, il n’est pas prédestiné à se tuer nécessairement; et l’action des facteurs cosmiques ne suffit pas à déterminer dans ce sens précis les tendances très générales de sa nature. Tout autres sont les résultais que nous avons obtenus quand, laissant de côté l’individu, nous avons cherché dans la nature : des sociétés elles-mêmes les causes de l’aptitude que chacune ; d’elles a pour le suicide. Autant les rapports du suicide avec les .. faits de l’ordre biologique et de l’ordre physique étaient équi- voques et douteux, autant ils sont immédiats et constants avec certains états du milieu social. Cette fois, nous nous sommes enfin trouvé en présence de lois véritables, qui nous ont permis ; d’essayer une classification méthodique des types de suicides. , Les causes sociologiques que nous avons ainsi déterminées nous . ont même expliqué ces concordances diverses que l’on a sou- vent attribuées à l’influence de causes matérielles, et où l’on a voulu voir une preuve de cette influence. Si la femme se tue beaucoup moins que l’homme, c’est qu’elle est beaucoup moins engagée que lui dans la vie collective; elle en sent donc moins fortement l’action bonne ou mauvaise. Il en est de même du