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été d’une pratique très fréquente[1]. Le fidèle se laissait mourir de faim[2]. Dans l'Indouisme, l'usage de chercher la mort dans les eaux du Gange ou d’autres rivières sacrées était très répandu. Les inscriptions nous montrent des rois et des ministres qui se préparent à finir ainsi leurs jours[3], et on assure qu’au commencement du siècle ces superstitions n’avaient pas complètement disparu[4]. Chez les Bhils, il y avait un rocher du haut duquel on se précipitait par piété, afin de se dévouer a Siva[5]; en 1822, un officier a encore assisté à l’un de ces sacrifices. Quant à l’histoire de ces fanatiques qui se font écraser en foule sous les roues de l’idole de Jaggarnat, elle est devenue classique[6]. Charlevoix avait déjà observé des rites du même genre au Japon : « Rien n’est plus commun, dit-il, que de voir, le long des côtes de la mer, des barques remplies de ces fanatiques qui se précipitent dans l’eau chargés de pierres, ou qui percent leurs barques et se laissent submerger peu à peu en chantant les louanges de leurs idoles. Un grand nombre de spectateurs les suivent des yeux et exaltent jusqu’au ciel leur valeur et leur demandent, avant qu’ils disparaissent, leur bénédiction. Les sectateurs d’Amida se font enfermer et murer dans (les cavernes où ils ont à peine assez d’espace pour y demeurer assis et où ils ne peuvent respirer que par un soupirail. Là, ils se laissent tranquillement mourir de faim. D’autres montent au sommet de rochers très élevés, au-dessus desquels il y a des mines de soufre d’où il sort de temps en temps des flammes. lis ne cessent d’invoquer leurs dieux; ils les prient d’accepter le sacrifice de leur vie et ils demandent qu’il s’élève

  1. Barth, The religions of India, Londres, 1891, p. 146.
  2. Biihler, Uber die Indische Secte der Jaïna, Vienne, 1887, p. 10, 19 et 37.
  3. Barth, op. cif., p. 279.
  4. Heber, Narrative of a Journey through the Upper Provinces of India, 1824-25, ch. XII.
  5. Forsyth, The Highlands of Central India, Londres, 1871, p. 172-175.
  6. V. Brurnell, Glossary, 1886, au mot, Jagarnnath. La pratique a à peu près disparu ; cependant, on en a encore observé de nos jours des cas isolés. V. Stirling, Asiat. Resrh., t. XV, p. 324.