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LE SUICIDE ÉGOÏSTE. 227 science dont elle a le dépôt, nous a fourni les instruments de ce ^développement. "^ ’.Par cela même que ces formes supérieures de l’activité hu- maine ont une origine collective, elles ont une fin de même nature. Comme c’est de la société qu’elles dérivent, c’est à elle aussi qu’elles se rapportent; ou plutôt elles sont la société elle-même incarnée et individualisée en chacun de nous. Mais alors, pour qu’elles aient une raison d’être à nos yeux, il faut que l’objet qu’elles visent ne nous soit pas indifférent. Nous ne pouvons donc tenir aux unes que dans la mesure où nous tenons à l’autre, c’est-à-dire à la société JAu contraire, plus nous nous sentons détachés de cette dernière, plus aussi nous nous détachons de cette vie dont elle est à la fois la source et le buTJ Pourquoi ces règles de la morale, ces préceptes du droit qui nous astreignent à toutes sortes de sacrifices, ces dogmes qui nous gênent, s’il n’y a pas en dehors de nous quelque être à qui ils servent et dont nous soyons solidaires? Pourquoi la science elle- même? Si elle n’a pas d’autre utilité que d’accroître nos chances de survie, elle ne vaut pas la peine qu’elle coûte. L’instinct s’ac- quitte mieux encore de ce rôle; les animaux en sont la preuve. Qu’était-il donc besoin de lui substituer une réflexion plus hési- tante et plus sujette à l’erreur? jMais pourquoi surtout la souf- france^Mal positif pour l’individu, si c*est par rapport à lui seul que doit s’estimer la valeur des choses, elle est sans compensa- tion et devient inintelligible^^Pour le fidèle fermement attaché à sa foi, pour l’homme fortement engagé dans les liens d’une so- ciété familiale ou politique, le problème n’existe pas^ D’eux- mêmes et sans réfléchir, ils rapportent ce qu’ils sont et ce qu’ils font, l’un à son EgUse ou à son Dieu, symbole vivant de cette même Église, l’autre à sa famille, l’autre à sa patrie ou à son parti. Dans leurs souffrances mêmes,, ils ne voient que des moyens de servir à la glorification du groupe auquel ils appar- tiennent et ils lui en font hommage. C’est ainsi que le chrétien en arrive à aimer et à rechercher la douleur pour mieux témoi- gner de son mépris de la chair et se rapprocher davantage de son divin modèle. Mais,|dans la mesure où le croyant doute.