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propre. « C’est méconnaître, dit Treitschke, les lois morales de la politique que de reprocher à l’État un sens trop vif de l’honneur. Un État doit avoir un sentiment de l’honneur développé au plus haut point, s’il ne veut pas être infidèle à son essence. L’État n’est pas une violette qui ne fleurit que cachée ; sa puissance doit se dresser fièrement et en pleine lumière ; il ne doit pas la laisser discuter même sous forme symbolique. Le drapeau a-t-il été offensé ? Son devoir est de réclamer satisfaction et, s’il ne l’obtient pas, de déclarer la guerre, si minuscule qu’en puisse paraître la raison ; car il doit exiger absolument que des égards lui soient témoignés, en rapport avec le rang qu’il occupe dans la société des nations[1]. »

Les seules limitations possibles à la souveraineté de l’État sont celles qu’il consent lui-même quand il s’engage par contrats envers d’autres États. Alors, du moins, on pourrait croire qu’il est tenu par les engagements qu’il a pris. À partir de ce moment, semble-t-il, il a à compter avec autre chose que lui-même : ne dépend-il pas du pacte conclu ? Mais, en fait, cette dépendance n’est qu’apparente. Les liens qu’il a contractés ainsi sont l’œuvre de sa volonté ; ils restent, pour cette raison, subordonnés à sa volonté. Ils n’ont de force obligatoire que dans la mesure où il continue à les vouloir. Les contrats d’où ces obligations dérivent visaient une situation déterminée ; c’est à cause de cette situation qu’il les avait acceptées ; qu’elle change, et il est délié. Et comme c’est lui qui décide souverainement et sans contrôle si la situation est ou non restée la même, la validité des contrats qu’il a souscrits dépend uniquement de la manière dont il apprécie, à chaque moment, les circonstances et ses intérêts. Il peut, en droit, les dénoncer, les résilier, c’est-à-dire les violer, quand et comme il lui plaît.

« Tous les contrats internationaux ne sont consentis qu’avec cette clause : rebus sic stantibus (tant que les circonstances seront les mêmes). Un État ne peut pas engager sa volonté

  1. « Mag der Anlass noch so kleinlich erscheinen » II, p. 550.