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I

L’ÉTAT AU-DESSUS DES LOIS INTERNATIONALES


Les traités internationaux ne lient pas l’État. Apologie de la guerre. ― Le système tient tout entier dans une certaine manière de concevoir l’État, sa nature et son rôle. On trouvera peut-être qu’une telle idée est trop abstraite pour avoir eu sur les esprits une action profonde ? Mais on verra qu’elle n’est abstraite qu’en apparence et recouvre, en réalité, un sentiment très vivant.

On s’entend généralement pour voir dans la souveraineté l’attribut caractéristique de l’État. L’État est souverain en ce sens qu’il est la source de tous les pouvoirs juridiques auxquels sont soumis les citoyens, et que lui-même ne reconnaît aucun pouvoir du même genre qui lui soit supérieur et dont il dépende. Toute loi vient de lui, mais il n’existe pas d’autorité qui soit qualifiée pour lui faire la loi. Seulement, la souveraineté qu’on lui prête ainsi d’ordinaire n’est jamais que relative. On sait bien qu’en fait l’État dépend d’une multitude de forces morales qui, pour n’avoir pas une forme et une organisation rigoureusement juridiques, ne laissent pas d’être réelles et efficaces. Il dépend des traités qu’il a signés, des engagements qu’il a librement pris, des idées morales qu’il a pour fonction de faire respecter et qu’il doit, par conséquent, respecter lui-même. Il dépend de l’opinion de ses sujets, de l’opinion des peuples étrangers avec laquelle il est obligé de compter.

Outrez, au contraire, cette indépendance, affranchissez-la de toute limite et de toute réserve, portez-la à l’absolu, et vous aurez l’idée que Treitschke se fait de l’État[1]. Pour lui,

  1. Politik, I, p. 41.