Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/89

Cette page a été validée par deux contributeurs.

hommes les uns vers les autres, les met fréquemment en contact, multiplie les occasions qu’ils ont de se trouver en rapports. À parler exactement, au point où nous en sommes arrivés, il est malaisé de dire si c’est elle qui produit ces phénomènes ou, au contraire, si elle en résulte ; si les hommes se rapprochent parce qu’elle est énergique, ou bien si elle est énergique parce qu’ils sont rapprochés les uns des autres. Mais il n’est pas nécessaire pour le moment d’élucider la question et il suffit de constater que ces deux, ordres de faits sont liés et varient en même temps et dans le même sens. Plus les membres d’une société sont solidaires, plus ils soutiennent de relations diverses soit les uns avec les autres, soit avec le groupe pris collectivement ; car, si leurs rencontres étaient rares, ils ne dépendraient les uns des autres que d’une manière intermittente et faible. D’autre part, le nombre de ces relations est nécessairement proportionnel à celui des règles juridiques qui les déterminent. En effet, la vie sociale, partout où elle existe d’une manière durable, tend inévitablement à prendre une forme définie et à s’organiser, et le droit n’est autre chose que cette organisation même dans ce qu’elle a de plus stable et de plus précis[1]. La vie générale de la société ne peut pas s’étendre sur un point sans que la vie juridique s’y étende en même temps et dans le même rapport. Nous pouvons donc être certains de trouver reflétées dans le droit toutes les variétés essentielles de la solidarité sociale.

On pourrait objecter, il est vrai, que les relations sociales peuvent se fixer sans prendre pour cela une forme juridique. Il en est dont la réglementation ne parvient pas à ce degré de consolidation et de précision ; elles ne restent pas indéterminées pour cela, mais, au lieu d’être réglées par le droit, elles ne le sont que par les mœurs. Le droit ne réfléchit donc qu’une partie de la vie sociale et par conséquent ne nous fournit que des données incomplètes pour résoudre le problème. Il y a plus : il arrive

  1. Voir plus loin, livre III, ch. I.