Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais avant d’examiner si cette opinion commune est fondée, il faut vérifier l’hypothèse que nous venons d’émettre sur le rôle de la division du travail. Voyons si, en effet, dans les sociétés où nous vivons, c’est d’elle que dérive essentiellement la solidarité sociale.


III


Mais comment procéder à cette vérification ?

Nous n’avons pas simplement à rechercher si, dans ces sortes de sociétés, il existe une solidarité sociale qui vient de la division du travail. C’est une vérité évidente, puisque la division du travail y est très développée et qu’elle produit la solidarité. Mais il faut surtout déterminer dans quelle mesure la solidarité qu’elle produit contribue à l’intégration générale de la société ; car c’est seulement alors que nous saurons jusqu’à quel point elle est nécessaire, si elle est un facteur essentiel de la cohésion sociale, ou bien au contraire si elle n’en est qu’une condition accessoire et secondaire. Pour répondre à cette question, il faut donc comparer ce lien social aux autres afin de mesurer la part qui lui revient dans l’effet total, et, pour cela, il est indispensable de commencer par classer les différentes espèces de solidarité sociale.

Mais la solidarité sociale est un phénomène tout moral qui par lui-même ne se prête pas à l’observation exacte ni surtout à la mesure. Pour procéder tant à cette classification qu’à cette comparaison, il faut donc substituer au fait interne qui nous échappe un fait extérieur qui le symbolise et étudier le premier à travers le second.

Ce symbole visible, c’est le droit. En effet, là où la solidarité sociale existe, malgré son caractère immatériel elle ne reste pas à l’état de pure puissance, mais manifeste sa présence par des effets sensibles. Là où elle est forte, elle incline fortement les