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elle participe de mille manières à la vie des hommes[1], à la Nouvelle-Zélande, à Samoa. De même on voit très souvent les femmes accompagner les hommes à la guerre, les exciter au combat et même y prendre une part très active. À Cuba, au Dahomey, elles sont aussi guerrières que les hommes et se battent à côté d’eux[2]. Un des attributs aujourd’hui distinctifs de la femme, la douceur, ne paraît pas lui avoir appartenu primitivement. Déjà dans certaines espèces animales la femelle se fait plutôt remarquer par le caractère contraire.

Or, chez ces mêmes peuples le mariage est dans un état tout à fait rudimentaire. Il est même très vraisemblable, sinon absolument démontré, qu’il y a eu une époque dans l’histoire de la famille où il n’y avait pas de mariage ; les rapports sexuels se nouaient et se dénouaient à volonté sans qu’aucune obligation juridique liât les conjoints. En tout cas, nous connaissons un type familial qui est relativement proche de nous et où le mariage n’est encore qu’à l’état de germe indistinct : c’est la famille maternelle[3]. Les relations de la mère avec ses enfants y sont très définies, mais celles des deux époux sont très lâches. Elles peuvent cesser dès que les parties le veulent, ou bien encore ne se contractent que pour un temps limité[4]. La fidélité conjugale n’y est pas encore exigée. Le mariage, ou ce qu’on appelle ainsi, consiste uniquement dans des obligations d’étendue restreinte et le plus souvent de courte durée, qui lient le mari aux parents de la femme ; il se réduit donc à peu de chose. Or, dans une société donnée, l’ensemble de ces règles juridiques qui constituent le mariage ne fait que symboliser l’état de la solidarité conjugale. Si celle-ci est très forte, les liens qui unissent les époux sont nombreux et complexes et, par conséquent, la réglementation

  1. Waitz, op. cit., VI, 121.
  2. Spencer, Sociologie, tr. fr., III, 391.
  3. La famille maternelle a certainement existé chez les Germains. — V. Dargun, Mutterecht und Raubehe im Germanischen Rechte. Breslau, 1883.
  4. V. notamment Smith, Mariage and Kinship in Early Arabia. Cambridge, 1886, p. 67.