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moyenne des sociétés de cette espèce, considérées à la même période de leur évolution ; secondairement, la même qualification convient à toute règle qui, sans présenter nettement ce critère, est pourtant analogue à certaines des règles précédentes, c’est-à-dire sert aux mêmes fins et dépend des mêmes causes.

Trouvera-t-on ce critère trop empirique ? Mais en fait les moralistes de toutes les écoles l’emploient plus ou moins explicitement. Nous savons en effet qu’ils sont obligés de prendre pour point de départ de leurs spéculations une morale reconnue et incontestée, qui ne peut être que celle qui est le plus généralement suivie de leur temps et dans leur milieu. C’est d’une observation sommaire de cette morale qu’ils s’élèvent à cette loi qui est censée l’expliquer. C’est elle qui leur fournit la matière de leurs inférences ; c’est elle aussi qu’ils retrouvent au terme de leurs déductions. Pour qu’il en fût autrement, il faudrait que, dans le silence du cabinet, le moraliste pût construire par la seule force de la pensée le système complet des relations sociales puisque la morale les pénètre toutes, entreprise évidemment impossible. Même quand il paraît innover, il ne fait que traduire des tendances réformatrices qui s’agitent autour de lui. Il y ajoute quelque chose parce qu’il les éclaircit, parce qu’il en fait une théorie ; mais cette théorie se réduit à montrer qu’elles vont au même but que telle ou telle pratique morale dont l’autorité est indiscutée. Puisque cette méthode s’impose le mieux n’est-il pas de la pratiquer ouvertement, en abordant résolument les difficultés qui sont grandes et en s’entourant de toutes les garanties possibles contre l’erreur ?

V

Munis de cette définition, nous pouvons revenir à la question que nous nous sommes posée : la division du travail a-t-elle une valeur morale ?