normal ou pathologique d’un animal soit pendant l’enfance, soit pendant la vieillesse, d’après le type normal de cet animal adulte, on commettrait la même faute que si l’on jugeait de l’état de santé d’un insecte d’après celui d’un mammifère. Il faudrait voir dans le vieillard et dans l’enfant de véritables malades. Or, tout au contraire, la présence chez l’un ou l’autre de caractères propres à l’adulte est l’indice d’un état pathologique. Un éveil trop précoce chez celui-ci, une persistance trop prolongée chez celui-là des instincts génésiques sont des phénomènes proprement morbides[1]. Il y a donc un type normal de l’enfance, un autre de l’âge mûr, un autre de la vieillesse et il en est des sociétés comme des organismes individuels.
Par conséquent, pour savoir si un fait moral est normal pour une société, il faut tenir compte de l’âge de cette dernière et déterminer en conséquence le type normal qui doit servir de point de repère. Ainsi, pendant l’enfance de nos sociétés européennes, certaines règles restrictives de la liberté de penser étaient normales qui ont perdu ce caractère à un âge plus avancé. Il est vrai qu’il n’est pas toujours facile de préciser à quel moment de son évolution se trouve soit une société, soit un organisme. Car il ne suffit pas pour cela de nombrer les années ; on peut être plus vieux ou plus jeune que son âge. C’est seulement d’après certains caractères de la structure et des fonctions qu’il est possible de distinguer scientifiquement la vieillesse de l’enfance ou de la maturité[2] et ces caractères ne sont pas encore déterminés avec une rigueur suffisante. Pourtant, outre qu’il n’y a pas d’autre manière de
- ↑ Cela ne veut pas dire que la maladie fait partie du type normal de la vieillesse. Au contraire, les maladies du vieillard sont des faits anormaux comme celles de l’adulte.
- ↑ Ainsi le fait qu’un homme âgé présente le type complet de l’adulte n’a rien de morbide ; ce qui est pathologique, c’est que, tout en présentant dans ses lignes essentielles le type anatomique et physiologique du vieillard, il ait en même temps certains caractères de l’adulte.