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blable pour le semblable suffit de moins en moins à produire cet effet. Si donc le caractère moral de la première de ces règles est nécessaire pour qu’elle puisse jouer son rôle, cette nécessité n’est pas moindre pour la seconde. Elles correspondent toutes deux au même besoin social et le satisfont seulement de manières différentes, parce que les conditions d’existence des sociétés diffèrent elles-mêmes. Par conséquent, sans qu’il soit nécessaire de spéculer sur le fondement premier de l’éthique, nous pouvons induire la valeur morale de l’une de la valeur morale de l’autre. Si, à certains points de vue, il y a entre elles un véritable antagonisme, ce n’est pas qu’elles servent à des fins différentes ; au contraire, c’est qu’elles mènent au même but, mais par des voies opposées. Par suite, il n’est pas nécessaire de choisir entre elles une fois pour toutes, ni de condamner l’une au nom de l’autre ; ce qu’il faut, c’est faire à chacune, à chaque moment de l’histoire, la place qui lui convient.


Peut-être même pouvons-nous généraliser davantage.

Les nécessités de notre sujet nous ont en effet obligé à classer les règles morales et à en passer en revue les principales espèces. Nous sommes ainsi mieux en état qu’au début pour apercevoir, ou tout au moins pour conjecturer, non plus seulement le signe extérieur, mais le caractère interne qui leur est commun à toutes et qui peut servir à les définir. Nous les avons réparties en deux genres : les règles à sanction répressive soit diffuse soit organisée, et les règles à sanction restitutive. Nous avons vu que les premières expriment les conditions de cette solidarité sui generis qui dérive des ressemblances et à laquelle nous avons donné le nom de mécanique ; les secondes, celles de la solidarité négative[1] et de la solidarité organique. Nous pouvons donc dire d’une manière générale que la caractéristique des règles

  1. V. liv. I, ch. III, §2.