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celles-ci peuvent subsister sans le secours de celle-là. Ce résultat est dû à ce fait que les tissus de la grenouille, ayant une activité fonctionnelle moins grande que ceux de l’homme, ont aussi moins besoin de renouveler leur oxygène et de se débarrasser de l’acide carbonique produit par leur combustion. De même, un mammifère a besoin de prendre de la nourriture très régulièrement ; le rythme de sa respiration, à l’état normal, reste sensiblement le même ; ses périodes de repos ne sont jamais très longues ; en d’autres termes, ses fonctions respiratoires, ses fonctions de nutrition, ses fonctions de relation sont sans cesse nécessaires les unes aux autres et à l’organisme tout entier, à tel point qu’aucune d’elles ne peut rester longtemps suspendue sans danger pour les autres et pour la vie générale. Le serpent, au contraire, ne prend de nourriture qu’à de longs intervalles ; ses périodes d’activité et d’assoupissement sont très distantes l’une de l’autre ; sa respiration, très apparente à de certains moments, est parfois presque nulle, c’est-à-dire que ses fonctions ne sont pas très étroitement liées, mais peuvent sans inconvénient s’isoler les unes des autres. La raison en est que son activité fonctionnelle est moindre que celle des mammifères. La dépense des tissus étant plus faible, ils ont moins besoin d’oxygène ; l’usure étant moins grande, les réparations sont moins souvent nécessaires, ainsi que les mouvements destinés à poursuivre une proie et à s’en emparer. M. Spencer a d’ailleurs fait remarquer qu’on trouve dans la nature inorganisée des exemples du même phénomène. « Voyez, dit-il, une machine très compliquée dont les parties ne sont pas bien ajustées ou sont devenues trop lâches par l’effet de l’usure ; examinez-la quand elle va s’arrêter. Vous observez certaines irrégularités de mouvement près du moment où elle arrive au repos : quelques parties s’arrêtent les premières, se remettent en mouvement par l’effet de la continuation du mouvement des autres, et alors elles deviennent à leur tour des causes de renouvellement du mouvement dans les autres parties qui avaient cessé de se mouvoir.