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C’est tout le contraire qui se produit quand la solidarité organique devient prédominante ; car, alors, tout ce qui la relâche atteint le lien social dans sa partie vitale. D’abord, comme, dans ces conditions, les activités spéciales s’exercent d’une manière à peu près continue, elles ne peuvent être contrariées sans qu’il en résulte des souffrances de tous les instants. Ensuite, comme la conscience collective s’affaiblit, les tiraillements qui se produisent ainsi ne peuvent plus être aussi complètement neutralisés. Les sentiments communs n’ont plus la même force pour retenir quand même l’individu attaché au groupe ; les tendances subversives, n’ayant plus le même contrepoids, se font jour plus facilement. Perdant de plus en plus le caractère transcendant qui la plaçait comme dans une sphère supérieure aux intérêts humains, l’organisation sociale n’a plus la même force de résistance, en même temps qu’elle est davantage battue en brèche ; œuvre tout humaine, elle ne peut plus s’opposer aussi bien aux revendications humaines. Au moment même où le flot devient plus violent, la digue qui le contenait est ébranlée ; il se trouve donc être beaucoup plus dangereux. Voilà pourquoi, dans les sociétés organisées, il est indispensable que la division du travail se rapproche de plus en plus de cet idéal de spontanéité que nous venons de définir. Si elles s’efforcent et doivent s’efforcer d’effacer autant que possible les inégalités extérieures, ce n’est pas seulement parce que l’entreprise est belle, mais c’est que leur existence même est engagée dans le problème. Car elles ne peuvent se maintenir que si toutes les parties qui les forment sont solidaires, et la solidarité n’en est possible qu’à cette condition. Aussi peut-on prévoir que cette œuvre de justice deviendra toujours plus complète, à mesure que le type organisé se développera. Quelque importants que soient les progrès réalisés dans ce sens, ils ne donnent vraisemblablement qu’une faible idée de ceux qui s’accompliront.