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limitées, il y aura toujours, entre les points extrêmes où nous sommes parvenus et le but où nous tendons, un espace vide ouvert à nos efforts.


III

En même temps que les sociétés, les individus se transforment par suite des changements qui se produisent dans le nombre des unités sociales et leurs rapports.

Tout d’abord, ils s’affranchissent de plus en plus du joug de l’organisme. L’animal est placé presque exclusivement sous la dépendance du milieu physique ; sa constitution biologique prédétermine son existence. L’homme, au contraire, dépend de causes sociales. Sans doute, l’animal forme aussi des sociétés ; mais, comme elles sont très restreintes, la vie collective y est très simple ; elle y est en même temps stationnaire parce que l’équilibre de si petites sociétés est nécessairement stable. Pour ces deux raisons, elle se fixe facilement dans l’organisme ; elle n’y a pas seulement ses racines, elle s’y incarne tout entière au point de perdre ses caractères propres. Elle fonctionne grâce à un système d’instincts, de réflexes qui ne sont pas essentiellement distincts de ceux qui assurent le fonctionnement de la vie organique. Ils présentent, il est vrai, cette particularité qu’ils adaptent l’individu au milieu social et non au milieu physique, qu’ils ont pour causes des événements de la vie commune ; cependant, ils ne sont pas d’une autre nature que ceux qui déterminent dans certains cas, sans éducation préalable, les mouvements nécessaires au vol et à la marche. Il en est tout autrement chez l’homme parce que les sociétés qu’il forme sont beaucoup plus vastes ; même les plus petites que l’on connaisse dépassent en étendue la plupart des sociétés animales. Étant plus complexes, elles sont aussi plus changeantes, et ces deux causes réunies font que la vie sociale dans l’humanité ne se fige pas sous une forme