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factions plus variées et plus complexes. Par là, on voit mieux encore combien il est faux de faire de la civilisation la fonction de la division du travail ; elle n’en est qu’un contre-coup. Elle ne peut en expliquer ni l’existence ni les progrès puisqu’elle n’a pas par elle-même de valeur intrinsèque et absolue, mais, au contraire, n’a de raison d’être que dans la mesure où la division du travail elle-même se trouve être nécessaire.

On ne s’étonnera pas de l’importance qui est ainsi attribuée au facteur numérique, si l’on remarque qu’il joue un rôle tout aussi capital dans l’histoire des organismes. En effet, ce qui définit l’être vivant, c’est la double propriété qu’il a de se nourrir et de se reproduire, et la reproduction n’est elle-même qu’une conséquence de la nutrition. Par conséquent, l’intensité de la vie organique est proportionnelle, toutes choses égales, à l’activité de la nutrition, c’est-à-dire au nombre des éléments que l’organisme est susceptible de s’incorporer. Aussi, ce qui a non seulement rendu possible, mais nécessité l’apparition d’organismes complexes, c’est que, dans de certaines conditions, les organismes plus simples restent groupés ensemble de manière à former des agrégats plus volumineux. Comme les parties constitutives de l’animal sont alors plus nombreuses, leurs rapports ne sont plus les mêmes, les conditions de la vie sociale sont changées, et ce sont ces changements à leur tour qui déterminent et la division du travail, et le polymorphisme, et la concentration des forces vitales et leur plus grande énergie. L’accroissement de la substance organique, voilà donc le fait qui domine tout le développement zoologique. Il n’est pas surprenant que le développement social soit soumis à la même loi.

D’ailleurs, sans recourir à ces raisons d’analogie, il est facile de s’expliquer le rôle fondamental de ce facteur. Toute vie sociale est constituée par un système de faits qui dérivent de rapports positifs et durables, établis entre une pluralité d’individus. Elle est donc d’autant plus intense que les réactions échangées entre les unités composantes sont elles-mêmes plus fréquentes