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et les premiers va donc en se détendant. Sans doute, il ne s’ensuit pas que la fonction puisse exister en dehors de tout organe ni même qu’il puisse jamais y avoir absence de tout rapport entre ces deux termes ; seulement le rapport devient moins immédiat.

Le progrès aurait donc pour effet de détacher de plus en plus, sans l’en séparer toutefois, la fonction de l’organe, la vie de la matière, de la spiritualiser par conséquent, de la rendre plus souple, plus libre, en la rendant plus complexe. C’est parce que le spiritualisme a le sentiment que tel est le caractère des formes supérieures de l’existence qu’il s’est toujours refusé à voir dans la vie psychique une simple conséquence de la constitution moléculaire du cerveau. En fait, nous savons que l’indifférence fonctionnelle des différentes régions de l’encéphale, si elle n’est pas absolue, est pourtant grande. Aussi les fonctions cérébrales sont-elles les dernières à se prendre sous une forme immuable. Elles sont plus longtemps plastiques que les autres et gardent d’autant plus leur plasticité qu’elles sont plus complexes ; c’est ainsi que leur évolution se prolonge beaucoup plus tard chez le savant que chez l’homme inculte. Si donc les fonctions sociales présentent ce même caractère d’une manière encore plus accusée, ce n’est pas par suite d’une exception sans précédent, mais c’est qu’elles correspondent à un stade encore plus élevé du développement de la nature.


II

En déterminant la cause principale des progrès de la division du travail, nous avons déterminé du même coup le facteur essentiel de ce qu’on appelle la civilisation.

Elle est elle-même une conséquence nécessaire des changements qui se produisent dans le volume et dans la densité des sociétés. Si la science, l’art, l’activité économique se dévelop-