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en soit simple et puisse être définie d’un mot. Le jus utendi et abutendi et toutes les autres définitions qu’on en a proposées n’en sont que des expressions très imparfaites. Ce qu’on appelle le droit de propriété est en réalité un complexus de droits déterminés par un très grand nombre de règles qui se complètent ou se limitent les unes les autres : règles sur le droit d’accession, sur les servitudes légales, sur l’expropriation pour raisons d’utilité publique, sur la limitation du droit de réserve, sur le droit des héritiers légitimes à réclamer la mise en interdit du prodigue, sur la prescription, etc. Bien loin que ces règles particulières ne soient que des corollaires de préceptes plus généraux, sans existence propre par elles-mêmes ; bien loin qu’elles tirent toute leur autorité de maximes plus élevées, ce sont elles, au contraire, qui, directement et sans intermédiaire, obligent à chaque instant la volonté. Dans toutes les rencontres importantes, quand nous voulons savoir ce que doit être notre conduite, nous n’avons pas besoin de remonter aux principes pour chercher ensuite comment ils s’appliquent au cas particulier. Mais il y a des manières d’agir définies et spéciales qui s’imposent à nous. Est-ce que, quand nous obéissons à la loi de la pudeur, nous savons le rapport qu’elle soutient avec les axiomes fondamentaux de la morale et comment elle en dérive ? Est-ce que, quand nous éprouvons une répulsion instinctive pour l’inceste, nous en découvrons les raisons que les savants n’ont pas encore découvertes ? Sommes-nous père ? Pour savoir ce qu’il faut faire dans une situation donnée, nous n’avons pas besoin de déduire de la notion générale de paternité les devoirs particuliers qu’elle implique, mais nous trouvons toutes faites un certain nombre de règles qui nous tracent notre conduite pour les circonstances ordinaires de la vie. On se fera une idée assez juste de la notion et du rôle de ces pratiques en les comparant aux réflexes de la vie organique ; elles sont, en effet, comme autant de moules dans lesquels nous sommes tenus de couler notre action. Seulement ce sont des