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fortement enchaîné à son passé ; il lui est plus facile de s’adapter aux circonstances nouvelles qui se produisent et les progrès de la division du travail deviennent ainsi plus aisés et plus rapides[1].

  1. Ce qu’il paraît y avoir de plus solide dans les théories de Weismann pourrait servir à confirmer ce qui précède. Sans doute il n’est pas prouvé que, comme le soutient ce savant, les variations individuelles soient radicalement intransmissibles par l’hérédité. Mais il semble bien avoir fortement établi que le type normalement transmissible est, non le type individuel, mais le type générique, qui a pour substrat organique, en quelque sorte, les éléments reproducteurs ; et que ce type n’est pas aussi facilement atteint qu’on l’a parfois supposé par les variations individuelles. (V. Weismann, Essais sur l’hérédité ; trad. franc., Paris, 1892, notamment le troisième Essai, — et Ball, Hérédité et Exercice ; trad. franc., Paris, 1891. ) Il en résulte que plus ce type est indéterminé et plastique, plus aussi le facteur individuel gagne de terrain. À un autre point de vue encore, ces théories nous intéressent. Une des conclusions de notre travail auxquelles nous attachons le plus d’importance est cette idée que les phénomènes sociaux dérivent de causes sociales et non de causes psychologiques ; que le type collectif n’est pas la simple généralisation d’un type individuel, mais qu’au contraire celui-ci est né de celui-là. Dans un autre ordre de faits, Weismann démontre de même que la race n’est pas un simple prolongement de l’individu ; que le type spécifique, au point de vue physiologique et anatomique, n’est pas un type individuel qui s’est perpétué dans le temps, mais qu’il a son évolution propre, que le second s’est détaché du premier, loin d’en être la source. Sa doctrine est, comme la nôtre, à ce qu’il nous semble, une protestation contre les théories simplistes qui réduisent le composé au simple, le tout à la partie, la société ou la race à l’individu.