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qu’une partie de plus en plus restreinte de la fortune individuelle. Dans ces conditions, on s’explique déjà que l’hérédité ait disparu des institutions sociales et que le vulgaire, n’apercevant plus le fond héréditaire sous les additions qui le recouvrent, n’en sente plus autant l’importance.


II


Mais il y a plus. Il y a tout lieu de croire que le contingent héréditaire diminue non seulement en valeur relative, mais en valeur absolue. L’hérédité devient un facteur moindre du développement humain non seulement parce qu’il y a une multitude toujours plus grande d’acquisitions nouvelles qu’elle ne peut pas transmettre, mais encore parce que celles qu’elle transmet gênent moins les variations individuelles. C’est une conjecture que rendent très vraisemblable les faits qui suivent.

On peut mesurer l’importance du legs héréditaire pour une espèce donnée d’après le nombre et la force des instincts. Or, il est déjà très remarquable que la vie instinctive s’affaiblit à mesure qu’on monte dans l’échelle animale. L’instinct, en effet, est une manière d’agir définie, ajustée à une fin étroitement déterminée. Il porte l’individu à des actes qui sont invariablement les mêmes et qui se reproduisent automatiquement quand les conditions nécessaires sont données ; il est figé dans sa forme. Sans doute, on peut l’en faire dévier à la rigueur, mais outre que de telles déviations, pour être stables, réclament un long développement, elles n’ont d’autre effet que de substituer à un instinct un autre instinct, à un mécanisme spécial un autre de même nature. Au contraire, plus l’animal appartient à une espèce élevée, plus l’instinct devient facultatif. « Ce n’est plus, dit M. Perrier, l’aptitude inconsciente à former une combinaison d’actes indéterminés, c’est l’aptitude à agir différemment suivant