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rellement trouvé plus de secours intellectuels et d’encouragements que leurs pères n’en avaient reçu. Il y a aussi les conseils et l’exemple, le désir de ressembler à son père, d’utiliser ses livres, ses collections, ses recherches, son laboratoire, qui sont pour un esprit généreux et avisé des stimulants énergiques. Enfin, dans les établissements où ils achèvent leurs études, les fils de savants se trouvent en contact avec des esprits cultivés ou propres à recevoir une haute culture, et l’action de ce milieu nouveau ne fait que confirmer celle du premier. Sans doute, dans les sociétés où c’est la règle que l’enfant suive la profession du père, une telle régularité ne peut s’expliquer par un simple concours de circonstances extérieures ; car ce serait un miracle qu’il se produisit dans chaque cas avec une aussi parfaite identité. Mais il n’en est pas de même de ces rencontres isolées et presque exceptionnelles que l’on observe aujourd’hui.

Il est vrai que plusieurs des hommes scientifiques anglais auxquels s’est adressé M. Galton[1] ont insisté sur un goût spécial et inné qu’ils auraient ressenti dès leur enfance pour la science qu’ils devaient cultiver plus tard. Mais, comme le fait remarquer M. de Candolle, il est bien difficile de savoir si ces goûts « viennent de naissance ou des impressions vives de la jeunesse et des influences qui les provoquent et les dirigent. D’ailleurs, ces goûts changent, et les seuls importants pour la carrière sont ceux qui persistent. Dans ce cas, l’individu qui se distingue dans une science ou qui continue de la cultiver avec plaisir ne manque jamais de dire que c’est chez lui un goût inné. Au contraire, ceux qui ont eu des goûts spéciaux dans l’enfance et n’y ont plus pensé n’en parlent pas. Que l’on songe à la multitude d’enfants qui chassent aux papillons ou font des collections de coquilles, d’insectes, etc., qui ne deviennent pas des naturalistes. Je connais aussi bon nombre d’exemples de savants qui ont eu, étant jeunes, la passion de faire des vers ou

  1. English men of science, 1874, p. 144 et suiv