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stabilité[1]. » Par conséquent, pour que la division du travail ait pu se développer, il a fallu que les hommes parvinssent à secouer le joug de l’hérédité, que le progrès brisât les castes et les classes. La disparition progressive de ces dernières tend en effet à prouver la réalité de cette émancipation ; car on ne voit pas comment, si l’hérédité n’avait rien perdu de ses droits sur l’individu, elle aurait pu s’affaiblir comme institution. Si la statistique s’étendait assez loin dans le passé et surtout si elle était mieux informée sur ce point, elle nous apprendrait très vraisemblablement que les cas de professions héréditaires deviennent toujours moins nombreux. Ce qui est certain, c’est que la foi à l’hérédité, si intense jadis, est aujourd’hui remplacée par une foi presque opposée. Nous tendons à croire que l’individu est en majeure partie le fils de ses œuvres et à méconnaître même les liens qui le rattachent à sa race et l’en font dépendre ; c’est du moins une opinion très répandue et dont se plaignent presque les psychologues de l’hérédité. C’est même un fait assez curieux que l’hérédité ne soit vraiment entrée dans la science qu’au moment où elle était presque complètement sortie de la croyance. Il n’y a pas là d’ailleurs de contradiction. Car ce qu’affirme au fond la conscience commune, ce n’est pas que l’hérédité n’existe pas, mais que le poids en est moins lourd, et la science, nous le verrons, n’a rien qui contredise ce sentiment.

Mais il importe d’établir le fait directement et surtout d’en faire voir les causes.


I


En premier lieu, l’hérédité perd de son empire au cours de l’évolution parce que, simultanément, des modes nouveaux d’activité se sont constitués qui ne relèvent pas de son influence.

  1. Ribot, op. cit., p. 360.