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doute est d’autant plus permis que l’esprit de caste a eu certainement cet effet, et que la caste est un organe social. On sait aussi combien l’organisation des corps de métiers a, pendant longtemps, gêné le développement des variations individuelles ; nous en avons plus haut cité des exemples.

Il est certain que les sociétés organisées ne sont pas possibles sans un système développé de règles qui prédéterminent le fonctionnement de chaque organe. À mesure que le travail se divise, il se constitue une multitude de morales et de droits professionnels[1]. Mais cette réglementation n’en laisse pas moins agrandi le cercle d’action de l’individu.

En premier lieu, l’esprit professionnel ne peut avoir d’influence que sur la vie professionnelle. Au delà de cette sphère, l’individu jouit de la liberté plus grande dont nous venons de montrer l’origine. Il est vrai que la caste étend son action plus loin ; mais elle n’est pas un organe proprement dit. C’est un segment transformé en organe[2] ; elle tient donc de la nature de l’un et de l’autre. En même temps qu’elle est chargée de fonctions spéciales, elle constitue une société distincte au sein de l’agrégat total. Elle est une société-organe analogue à ces individus-organes que l’on observe dans certains organismes[3]. C’est ce qui fait qu’elle enveloppe l’individu d’une manière beaucoup plus exclusive que les corporations ordinaires.

Comme ces règles n’ont de racines que dans un petit nombre de consciences, mais laissent indifférente la société dans son ensemble, elles ont une moindre autorité par suite de cette moindre universalité. Elles offrent donc une moindre résistance aux changements. C’est pour cette raison qu’en général les fautes proprement professionnelles n’ont pas le même degré de gravité que les autres.

D’autre part, les mêmes causes qui, d’une manière générale,

  1. V. plus haut, liv. I, ch. V, notamment p. 247 et suiv.
  2. V. plus haut, p. 198-199.
  3. V. Perier, Colon. anim., 764.