mais qui sont de même espèce et ont les mêmes objets, ne peuvent garder intégralement la leur. C’est ainsi que, peu à peu, l’ébranlement se communique à la conscience commune tout entière.
IV
On s’explique maintenant comment il se fait que la solidarité mécanique soit liée à l’existence du type segmentaire, ainsi que nous l’avons établi dans le livre précédent. C’est que cette structure spéciale permet à la société d’enserrer de plus près l’individu — le tient plus fortement attaché à son milieu domestique et, par conséquent, aux traditions — enfin, en contribuant à borner l’horizon social, contribue aussi[1] à le rendre concret et défini. C’est donc des causes toutes mécaniques qui font que la personnalité individuelle est absorbée dans la personnalité collective, et ce sont des causes de même nature qui font qu’elle s’en dégage. Sans doute, cette émancipation se trouve être utile ou, tout au moins, elle est utilisée. Elle rend possibles les progrès de la division du travail ; plus généralement, elle donne à l’organisme social plus de souplesse et d’élasticité. Mais ce n’est pas parce qu’elle est utile qu’elle se produit. Elle est parce qu’elle ne peut pas ne pas être. L’expérience des services qu’elle rend ne peut que la consolider une fois qu’elle existe.
On peut se demander cependant si, dans les sociétés organisées, l’organe ne joue pas le même rôle que le segment ; si l’esprit corporatif et professionnel ne risque pas de remplacer l’esprit de clocher et d’exercer sur les individus la même pression. Dans ce cas, ils ne gagneraient rien au changement. Le
- ↑ Ce troisième effet ne résulte qu’en partie de la nature segmentaire ; la cause principale en est dans l’accroissement du volume social. Resterait à savoir pourquoi en général la densité s’accroît en même temps que le volume. C’est une question que nous posons.