façon dont l’homme doit se nourrir, se vêtir en chaque circonstance, les gestes qu’il doit faire, les formules qu’il doit prononcer sont fixées avec précision. Au contraire, plus on s’éloigne du point de départ, plus les prescriptions morales et juridiques perdent de leur netteté et de leur précision. Elles ne réglementent plus que les formes les plus générales de la conduite et les réglementent d’une manière très générale, disant ce qui doit être fait, non comment cela doit être fait. Or, tout ce qui est défini s’exprime sous une forme définie. Si les sentiments collectifs avaient la même détermination qu’autrefois, ils ne s’exprimeraient pas d’une manière moins déterminée. Si les détails concrets de l’action et de la pensée étaient aussi uniformes, ils seraient aussi obligatoires.
On a souvent remarqué que la civilisation avait une tendance à devenir plus rationnelle et plus logique ; on voit maintenant quelle en est la cause. Cela seul est rationnel qui est universel. Ce qui déroute l’entendement, c’est le particulier et le concret. Nous ne pensons bien que le général. Par conséquent, plus la conscience commune est proche des choses particulières, plus elle en porte exactement l’empreinte, plus aussi elle est inintelligible. Voilà d’où vient l’effet que nous font les civilisations primitives. Ne pouvant les ramener à des principes logiques, nous sommes portés à n’y voir que des combinaisons bizarres et fortuites d’éléments hétérogènes. En réalité, elles n’ont rien d’artificiel ; seulement, il faut en chercher les causes déterminantes dans des sensations et des mouvements de la sensibilité, non dans des concepts, et s’il en est ainsi, c’est que le milieu social pour lequel elles sont faites n’est pas suffisamment étendu. Au contraire, quand la civilisation se développe sur un champ d’action plus vaste, quand elle s’applique à plus de gens et de choses, les idées générales apparaissent nécessairement et y deviennent prédominantes. La notion d’homme, par exemple, remplace dans le droit, dans la morale, dans la religion celle du Romain, qui, plus concrète, est plus réfractaire à la science. C’est donc l’accroissement de volume des sociétés et leur conden-