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modifier dans des sens différents, prendre des formes diverses, acquérir des fonctions et des propriétés nouvelles[1]. »

Contrairement à ce qui se passe dans les organismes, cette indépendance n’est pas dans les sociétés un fait primitif, puisqu’à l’origine l’individu est absorbé dans le groupe. Mais nous avons vu qu’elle apparaît ensuite et progresse régulièrement en même temps que la division du travail, par suite de la régression de la conscience collective. Il reste à chercher comment cette condition utile de la division du travail social se réalise à mesure qu’elle est nécessaire. Sans doute, c’est qu’elle dépend elle-même des causes qui ont déterminé les progrès de la spécialisation. Mais comment l’accroissement des sociétés en volume et en densité peut-il avoir ce résultat ?


I


Dans une petite société, comme tout le monde est placé sensiblement dans les mêmes conditions d’existence, le milieu collectif est essentiellement concret. Il est fait des êtres de toute sorte qui remplissent l’horizon social. Les états de conscience qui le représentent ont donc le même caractère. D’abord, ils se rapportent à des objets précis, comme cet animal, cet arbre, cette plante, cette force naturelle, etc. Puis, comme tout le monde est situé de la même manière par rapport à ces choses, elles affectent de la même façon toutes les consciences. Toute la tribu, si elle n’est pas trop étendue, jouit ou souffre également des avantages ou des inconvénients du soleil ou de la pluie, du chaud ou du froid, de tel fleuve, de telle source, etc. Les impressions collectives qui résultent de la fusion de toutes ces impressions individuelles, sont donc déterminées dans leur forme aussi

  1. Colonies animales, 702.