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tique, etc., ne se divise pas d’une autre manière ni pour d’autres raisons. C’est encore en vertu des mêmes causes que, comme nous l’avons vu, l’appareil régulateur central absorbe en lui les organes régulateurs locaux et les réduit au rôle d’auxiliaires spéciaux.

De tous ces changements résulte-t-il un accroissement du bonheur moyen ? On ne voit pas à quelle cause il serait dû. L’intensité plus grande de la lutte implique de nouveaux et pénibles efforts qui ne sont pas de nature à rendre les hommes plus heureux. Tout se passe mécaniquement. Une rupture d’équilibre dans la masse sociale suscite des conflits qui ne peuvent être résolus que par une division du travail plus développée : tel est le moteur du progrès. Quant aux circonstances extérieures, aux combinaisons variées de l’hérédité, comme les déclivités du terrain déterminent la direction d’un courant, mais ne le créent pas, elles marquent le sens dans lequel se fait la spécialisation là où elle est nécessaire, mais ne la nécessitent pas. Les différences individuelles qu’elles produisent resteraient à l’état de virtualité si, pour faire face à des difficultés nouvelles, nous n’étions contraints de les mettre en saillie et de les développer.

La division du travail est donc un résultat de la lutte pour la vie ; mais elle en est un dénouement adouci. Grâce à elle, en effet, les rivaux ne sont pas obligés de s’éliminer mutuellement, mais peuvent coexister les uns à côté des autres. Aussi, à mesure qu’elle se développe, elle fournit à un plus grand nombre d’individus qui, qui des sociétés plus homogènes, seraient condamnés à disparaître, les moyens de se maintenir et de survivre. Chez beaucoup de peuples inférieurs, tout organisme mal venu devait fatalement périr, car il n’était utilisable pour aucune fonction. Parfois, la loi, devançant et consacrant en quelque sorte les résultats de la sélection naturelle, condamnait à mort les nouveau-nés infirmes ou faible, et Aristote lui-même[1]

  1. Politique, IV (VIII, 16, 1335 b, 20 et suiv.