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de ce que nous avons appelé la densité morale[1], nous pouvons le substituer à cette dernière dans la formule que nous avons proposée. Nous devons d’ailleurs répéter ici ce que nous disions plus haut. Si la société, en se condensant, détermine le développement de la division du travail, celui-ci à son tour, accroît la condensation de la société. Mais il n’importe ; car la division du travail reste le fait dérivé, et, par conséquent, les progrès par lesquels elle passe sont dus aux progrès parallèles de la densité sociale, quelles que soient les causes de ces derniers. C’est tout ce que nous voulions établir.


Mais ce facteur n’est pas le seul.

Si la condensation de la société produit ce résultat, c’est qu’elle multiplie les relations intra-sociales. Mais celles-ci seront encore plus nombreuses si, en outre, le chiffre total des membres de la société devient plus considérable. Si elle comprend plus d’individus en même temps qu’ils sont plus intimement en contact, l’effet sera nécessairement renforcé. Le volume social a donc sur la division du travail la même influence que la densité.

En fait, les sociétés sont généralement d’autant plus volumineuses qu’elles sont plus avancées et, par conséquent, que le travail y est plus divisé. « Les sociétés comme les corps vivants, dit M. Spencer, commencent sous forme de germes, naissent de masses extrêmement ténues en comparaison de celles auxquelles elles finissent par arriver. De petites hordes errantes, telles que celles des races inférieures, sont sorties les plus grandes sociétés : c’est une conclusion qu’on ne saurait nier[2]. » Ce que nous avons dit sur la constitution segmentaire rend cette vérité indiscutable. Nous savons en effet que les sociétés sont formées par

  1. Toutefois, il y a des cas particuliers, exceptionnels, où la densité matérielle et la densité morale ne sont peut-être pas tout à fait en rapport. Voir plus bas, ch. III, note finale.
  2. Sociol, II, 23.