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rend la matière sociale libre pour entrer dans des combinaisons nouvelles.

Mais la disparition de ce type ne peut avoir cette conséquence que pour une seule raison. C’est qu’il en résulte un rapprochement entre des individus qui étaient séparés ou, tout au moins, un rapprochement plus intime qu’il n’était ; par suite, des mouvements s’échangent entre des parties de la masse sociale qui, jusque-là, ne s’affectaient mutuellement pas. Plus le système alvéolaire est développé, plus aussi les relations dans lesquelles chacun de nous est engagé se renferment dans les limites de l’alvéole à laquelle nous appartenons. Il y a comme des vides moraux, entre les divers segments. Au contraire, ces vides se comblent à mesure que ce système se nivelle. La vie sociale, au lieu de se concentrer en une multitude de petits foyers distincts et semblables, se généralise. Les rapports sociaux. — on dirait plus exactement intra-sociaux — deviennent par conséquent plus nombreux, puisque de tous côtés ils s’étendent au delà de leurs limites primitives. La division du travail progresse donc d’autant plus qu’il y a plus d’individus qui sont suffisamment en contact pour pouvoir agir et réagir les uns sur les autres. Si nous convenons d’appeler densité dynamique ou morale ce rapprochement et le commerce actif qui en résulte, nous pourrons dire que les progrès de la division du travail sont en raison directe de la densité morale ou dynamique de la société.

Mais ce rapprochement moral ne peut produire son effet que si la distance réelle entre les individus a elle-même diminué, de quelque manière que ce soit. La densité morale ne peut donc s’accroître sans que la densité matérielle s’accroisse en même temps, et celle-ci peut servir à mesurer celle-là. Il est d’ailleurs inutile de rechercher laquelle des deux a déterminé l’autre ; il suffit de constater qu’elles sont inséparables.

La condensation progressive des sociétés au cours du développement historique se produit de trois manières principales :