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mais, alors même que c’est du dehors qu’il agit, c’est sur le dedans qu’il exerce son action. En effet, même les viscères les plus intestinaux ne peuvent fonctionner qu’à l’aide de matériaux qui viennent du dehors et, comme il dispose souverainement de ces derniers, il a par là sur tout l’organisme une influence de tous les instants. L’estomac, dit-on, n’entre pas en jeu sur son ordre ; mais la présence des aliments suffit à exciter les mouvements péristaltiques. Seulement, si les aliments sont présents, c’est que le cerveau l’a voulu, et ils y sont dans la quantité qu’il a fixée et de la qualité qu’il a choisie. Ce n’est pas lui qui commande les battements du cœur, mais il peut, par un traitement approprié, les retarder ou les accélérer. Il n’y a guère de tissus qui ne subissent quelqu’une des disciplines qu’il impose, et l’empire qu’il exerce ainsi est d’autant plus étendu et d’autant plus profond que l’animal est d’un type plus élevé. C’est qu’en effet son véritable rôle est de présider, non pas aux relations avec le dehors, mais à l’ensemble de la vie : cette fonction est donc d’autant plus complexe que la vie elle-même est plus riche et plus concentrée. Il en est de même des sociétés. Ce qui fait que l’organe gouvernemental est plus ou moins considérable, ce n’est pas que les peuples sont plus ou moins pacifiques ; mais il croit à mesure que, par suite des progrès de la division du travail, les sociétés comprennent plus d’organes différents plus intimement solidaires les uns des autres.


IV


Les propositions suivantes résument cette première partie de notre travail.

La vie sociale dérive d’une double source : la similitude des consciences et la division du travail social. L’individu est socialisé dans le premier cas, parce que, n’ayant pas d’indivi-