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rieurs se fait en sens inverse dans les sociétés et dans les organismes, M. Spencer répond que ces variations différentes de l’organe tiennent à des variations correspondantes de la fonction. Suivant lui, le rôle du système cérébro-spinal serait essentiellement de régler les rapports de l’individu avec le dehors, de combiner les mouvements soit pour saisir la proie, soit pour échapper à l’ennemi[1]. Appareil d’attaque et de défense, il est naturellement très volumineux chez les organismes les plus élevés, où ces relations extérieures sont elles-mêmes très développées. Il en est ainsi des sociétés militaires, qui vivent en état d’hostilité chronique avec leurs voisines. Au contraire, chez les peuples industriels, la guerre est l’exception ; les intérêts sociaux sont principalement d’ordre intérieur ; l’appareil régulateur externe, n’ayant plus la même raison d’être, régresse donc nécessairement.

Mais cette explication repose sur une double erreur.

D’abord tout organisme, qu’il ait ou non des instincts déprédateurs, vit dans un milieu avec lequel il a des relations d’autant plus nombreuses qu’il est plus complexe. Si donc les rapports d’hostilité diminuent à mesure que les sociétés deviennent plus pacifiques, ils sont remplacés par d’autres. Les peuples industriels ont un commerce mutuel autrement développé que celui que les peuplades inférieures entretiennent les unes avec les autres, si belliqueuses qu’elles soient. Nous parlons, non du commerce qui s’établit directement d’individus à individus, mais de celui qui unit les corps sociaux entre eux. Chaque société a des intérêts généraux à défendre contre les autres, sinon par la voie des armes, du moins au moyen de négociations, de coalitions, de traités, etc.

De plus, il n’est pas vrai que le cerveau ne fasse que présider aux relations externes. Non seulement il semble bien qu’il peut parfois modifier l’état des organes par des voies tout internes,

  1. Essais de morale. p. 179.