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les mouvements des viscères tout comme le cerveau fait pour ceux des muscles. Si donc il y a dans la société un appareil du même genre, il doit avoir sur les organes qui lui sont soumis une action analogue.

Ce qui y correspond, suivant M. Spencer, c’est cet échange d’informations qui se fait sans cesse d’une place à l’autre sur l’état de l’offre et de la demande et qui, par suite, arrête ou stimule la production[1]. Mais il n’y a rien là qui ressemble à une action régulatrice. Transmettre une nouvelle n’est pas commander des mouvements. Cette fonction est bien celle des nerfs afférents, mais n’a rien de commun avec celle des ganglions nerveux : or, ce sont ces derniers qui exercent la domination dont nous venons de parler. Interposés sur le trajet des sensations, c’est exclusivement par leur intermédiaire que celles-ci peuvent se réfléchir en mouvements. Très vraisemblablement, si l’étude en était plus avancée, on verrait que leur rôle, qu’ils soient centraux ou non, est d’assurer le concours harmonieux des fonctions qu’ils gouvernent, lequel serait à tout instant désorganisé s’il devait varier à chaque variation des impressions excitatrices. Le grand sympathique social doit donc comprendre, outre un système de voies de transmission, des organes vraiment régulateurs qui, chargés de combiner les actes intestinaux comme le ganglion cérébral combine les actes externes, aient le pouvoir ou d’arrêter les excitations, ou de les amplifier, ou de les modérer suivant les besoins.

Cette comparaison induit même à penser que l’action régulatrice à laquelle est actuellement soumise la vie économique n’est pas ce qu’elle devrait être normalement. Sans doute elle n’est pas nulle, nous venons de le montrer. Mais, ou bien elle est diffuse, ou bien elle émane directement de l’État. On trouvera difficilement dans nos sociétés contemporaines des centres régulateurs analogues aux ganglions du grand sympathique. Assuré-

  1. Essais de morale, p. 187.