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encore multipliées. Il faut que l’adopté soit majeur, que l’adoptant ait plus de cinquante ans, qu’il ait traité l’adopté comme son propre enfant pendant longtemps. Encore faut-il ajouter que, même ainsi limitée, elle est devenue un événement très rare. Avant la rédaction de notre Code, elle était même presque complètement tombée en désuétude et, aujourd’hui encore, certains pays comme la Hollande et le Bas-Canada ne l’admettent pas du tout.

En même temps qu’elle devenait plus rare, l’adoption perdait de son efficacité. Dans le principe, la parenté adoptive était de tous points semblable à la parenté naturelle. À Rome, la ressemblance était encore très grande ; cependant il n’y avait plus parfaite identité[1].

Au xvie siècle, elle ne donnait plus droit à la succession ab intestat du père adoptif[2]. Notre Code a rétabli ce droit ; mais la parenté à laquelle donne lieu l’adoption ne s’étend pas au delà de l’adoptant et de l’adopté.

On voit combien est insuffisante l’explication traditionnelle qui attribue cet usage de l’adoption chez les sociétés ancienne au besoin d’assurer la perpétuité du culte des ancêtres. Les peuples qui l’ont pratiquée de la manière la plus large et la plus libre, comme les Indiens de l’Amérique, les Arabes, les Slaves, ne connaissaient pas ce culte et, au contraire, c’est à Rome, à Athènes, c’est-à-dire dans les pays où la religion domestique était à son apogée, que ce droit est pour la première fois soumis à un contrôle et à des restrictions. Si donc il a pu servir à satisfaire ces besoins, ce n’est pas pour les satisfaire qu’il s’est établi : et inversement, s’il tend à disparaître, ce n’est pas que nous tenions moins à assurer la perpétuité de notre nom et de notre race. C’est dans la structure des sociétés actuelles et dans la place qu’y occupe la famille qu’il faut aller chercher la cause déterminante de ce changement.

Une autre preuve de cette vérité, c’est qu’il est devenu encore

  1. Accarias, Précis de droit romain, I, p. 240 et suiv.
  2. Viollet, op. cit. , p. 406