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procité de droits et de devoirs. De l’autre, elles ne sont pas contractuelles, du moins sous leur forme typique. Les conditions dont elles dépendent se rattachent à notre statut personnel, qui dépend lui-même de notre naissance, de nos rapports de consanguinité, par conséquent de faits qui sont soustraits à notre volonté.

Cependant, le mariage et l’adoption sont des sources de relations domestiques et ce sont des contrats. Mais il se trouve justement que, plus on se rapproche des types sociaux les plus élevés, plus aussi ces deux opérations juridiques perdent leur caractère proprement contractuel.

Non seulement dans les sociétés inférieures, mais à Rome même, jusqu’à la fin de l’empire, le mariage reste une affaire entièrement privée. C’est généralement une vente, réelle chez les peuples primitifs, fictive plus tard, mais qui est valable par le seul consentement des parties dûment attesté. Ni formes solennelles d’aucune sorte, ni intervention d’une autorité quelconque n’étaient alors nécessaires. C’est seulement avec le christianisme que le mariage affecta un autre caractère. De bonne heure les chrétiens prirent l’habitude de faire bénir leur union par un prêtre. Une loi de l’empereur Léon le Philosophe convertit cet usage en loi pour l’Orient ; le concile de Trente en fit autant pour l’Occident. Désormais le mariage ne se contracte plus librement, mais par l’intermédiaire d’une puissance publique, à savoir l’Église, et le rôle de celle-ci n’est pas seulement celui d’un témoin, mais c’est elle et elle seule qui crée le lien juridique que la volonté des particuliers suffisait jusqu’alors à établir. On sait comment, dans la suite, l’autorité civile fut substituée dans cette fonction à l’autorité religieuse, et comment, en même temps, la part de l’intervention sociale et des formalités nécessaires fut étendue[1].

L’histoire du contrat d’adoption est plus démonstrative encore.

  1. Bien entendu, il en est de même pour la dissolution du lien conjugal.