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commencent à se diviser et à s’organiser. Aussi la constitution politico-familiale est-elle sérieusement ébranlée. Sans doute, la dernière molécule sociale, à savoir le village, est bien encore un clan transformé. Ce qui le prouve, c’est qu’il y a entre les habitants d’un même village des relations qui sont évidemment de nature domestique et qui, en tout cas, sont caractéristiques du clan. Tous les membres du village ont les uns sur les autres un droit d’hérédité en l’absence de parents proprement dits[1]. Un texte que l’on trouve dans les Capita extravagantia legis salicæ (art. 9), nous apprend de même qu’en cas de meurtre commis dans le village, les voisins étaient collectivement solidaires. D’autre part, le village est un système beaucoup plus hermétiquement clos au dehors et ramassé sur lui-même que ne le serait une simple circonscription territoriale ; car nul ne peut s’y établir sans le consentement unanime, exprès ou tacite, de tous les habitants[2]. Mais, sous cette forme, le clan a perdu quelques-uns de ses caractères essentiels ; non seulement tout souvenir d’une commune origine a disparu, mais il a dépouillé presque complètement toute importance politique. L’unité politique, c’est la centaine. « La population, dit Waitz, habite dans les villages, mais elle se répartit, elle et son domaine, d’après les centaines qui, pour toutes les affaires de la guerre et de la paix, forment l’unité qui sert de fondement à toutes les relations[3]. »

À Rome, ce double mouvement de progression et de régression se poursuit. Le clan romain, c’est la gens, et il est bien certain que la gens était la base de l’ancienne constitution romaine. Mais, dès la fondation de la République, elle a presque complètement cessé d’être une institution publique. Ce n’est plus ni une unité territoriale définie, comme le village des Francs, ni une unité politique. On ne la retrouve ni dans la

  1. V. Glasson, Le Droit de succession dans les lois barbares, p. 19. — Le fait est, il est vrai, contesté par M. Fustel de Coulanges, quelque formel que paraisse le texte sur lequel M. Glasson s’appuie.
  2. V. le titre De Migrantibus de la loi salique.
  3. Deutsche Verfassangsgeschichte, 2e édit., II. p. 317.