Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/220

Cette page a été validée par deux contributeurs.

les anneaux d’un annelé, ni emboîtés les uns dans les autres, mais coordonnés et subordonnés les uns aux autres autour d’un même organe central qui exerce sur le reste de l’organisme une action modératrice. Cet organe lui-même n’a plus le même caractère que dans le cas précédent ; car, si les autres dépendent de lui, il en dépend à son tour. Sans doute, il a bien encore une situation particulière et, si l’on veut, privilégiée ; mais elle est due à la nature du rôle qu’il l’emplit et non à quelque cause étrangère à ses fonctions, à quelque force qui lui est communiquée du dehors. Aussi n’a-t-il plus rien que de temporel et d’humain ; entre lui et les autres organes il n’y a plus que des différences de degrés. C’est ainsi que chez l’animal la prééminence du système nerveux sur les autres systèmes se réduit au droit, si l’on peut parler ainsi, de recevoir une nourriture plus choisie et de prendre sa part avant les autres ; mais il a besoin d’eux, comme ils ont besoin de lui.

Ce type social repose sur des principes tellement différents du précédent qu’il ne peut se développer que dans la mesure où celui-ci s’est effacé. En effet, les individus, y sont groupés, non plus d’après leurs rapports de descendance, mais d’après la nature particulière de l’activité sociale à laquelle ils se consacrent. Leur milieu naturel et nécessaire n’est plus le milieu natal, mais le milieu professionnel. Ce n’est plus la consanguinité réelle ou fictive qui marque la place de chacun, mais la fonction qu’il remplit. Sans doute, quand cette organisation nouvelle commence à apparaître, elle essaie d’utiliser celle qui existe et de se l’assimiler. La manière dont les fonctions se divisent se calque alors, aussi fidèlement que possible, sur la façon dont la société est déjà divisée. Les segments, ou du moins des groupes de segments unis par des affinités spéciales, deviennent des organes. C’est ainsi que les clans dont l’ensemble forme la tribu des Lévites s’approprient chez le peuple juif les fonctions sacerdotales. D’une manière générale, les classes et les castes n’ont vraisemblablement ni une autre origine ni une autre