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dépassé[1]. Aussi Waitz, voulant caractériser d’une manière générale la structure de ces peuples, qu’il appelle des Naturvoelker, en donne-t-il la peinture suivante où l’on retrouvera les lignes générales de l’organisation que nous venons de décrire : « En règle générale, les familles vivent les unes à côté des autres dans une grande indépendance et se développent peu à peu de manière à former de petites sociétés (lisez des clans)[2] qui n’ont pas de constitution définie tant que des luttes intérieures ou un danger extérieur, à savoir la guerre, n’amène pas un ou plusieurs hommes à se dégager de la masse de la société et à se mettre à sa tête. Leur influence, qui repose uniquement sur des titres personnels, ne s’étend et ne dure que dans les limites marquées par la confiance ou la patience des autres. Tout adulte reste en face d’un tel chef dans un état de parfaite indépendance… C’est pourquoi nous voyons de tels peuples, sans autre organisation interne, ne tenir ensemble que par l’effet des circonstances extérieures et par suite de l’habitude de la vie commune[3]. »

La disposition des clans à l’intérieur de la société et par suite la configuration de celle-ci peuvent, il est vrai, varier. Tantôt ils sont simplement juxtaposés de manière à former comme une série linéaire : c’est le cas dans beaucoup de tribus indiennes de l’Amérique du Nord[4]. Tantôt — et c’est la marque d’une organisation plus élevée — chacun d’eux est emboîté dans un groupe plus vaste qui, formé par la réunion de plusieurs clans, a une vie propre et un nom spécial ; chacun de ces groupes, à son tour, peut être emboîté avec plusieurs autres dans un autre

  1. V. Hanoteau et Letourneux, La Kabylie et les coutumes Kabyles, II, et Masqueray, Formation des cités chez les populations sédentaires de l’Algérie. Paris, 1886, ch. V.
  2. C’est par erreur que Waitz présente le clan comme dérivé de la famille. C’est le contraire qui est la vérité. D’ailleurs, si cette description est importante à cause de la compétence de l’auteur, elle manque un peu de précision.
  3. Anthropologie, I, p. 359.
  4. V. Morgan, op. cit., p. 153 et suiv.