Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/214

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mais les différents clans d’un même peuple se considèrent très souvent comme parents les uns des autres. Chez les Iroquois, ils se traitent, suivant les cas, de frères ou de cousins[1]. Chez les Juifs, qui appartiennent, nous le verrons, au même type social, l’ancêtre de chacun des clans qui composent la tribu est censé descendre du fondateur de cette dernière, qui est lui-même regardé comme un des fils du père de la race. Mais cette dénomination a sur la précédente l’inconvénient de ne pas mettre en relief ce qui fait la structure propre de ces sociétés.

Mais, de quelque manière qu’on la dénomme, cette organisation, tout comme celle de la horde, dont elle n’est qu’un prolongement, ne comporte évidemment pas d’autre solidarité que celle qui dérive des similitudes, puisque la société est formée de segments similaires et que ceux-ci, à leur tour, ne renferment que des éléments homogènes. Sans doute, chaque clan a une physionomie propre, et par conséquent se distingue des autres ; mais aussi la solidarité est d’autant plus faible qu’ils sont plus hétérogènes, et inversement. Pour que l’organisation segmentaire soit possible, il faut à la fois que les segments se ressemblent, sans quoi ils ne seraient pas unis, et qu’ils diffèrent, sans quoi ils se perdraient les uns dans les autres et s’effaceraient. Suivant les sociétés, ces deux nécessités contraires sont satisfaites dans des proportions différentes ; mais le type social reste le même.

Cette fois, nous sommes sortis du domaine de la préhistoire et des conjectures. Non seulement ce type social n’a rien d’hypothétique, mais il est presque le plus répandu parmi les sociétés inférieures ; et on sait qu’elles sont les plus nombreuses. Nous avons déjà vu qu’il était général en Amérique et en Australie. Post le signale comme très fréquent chez les nègres de l’Afrique[2] ; les juifs s’y sont attardés, et les Kabyles ne l’ont pas

  1. Morgan, op. cit., p. 90.
  2. Afrikanische Jurisprudenz, I.