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gues aux anneaux de l’annelé ; et de cet agrégat élémentaire qu’il est un clan, parce que ce mot en exprime bien la nature mixte, à la fois familiale et politique. C’est une famille, en ce sens que tous les membres qui le composent se considèrent comme parents les uns des autres, et qu’en fait ils sont pour la plupart consanguins. Les affinités qu’engendre la communauté du sang sont principalement celles qui les tiennent unis. De plus, ils soutiennent les uns avec les autres des relations que l’on peut qualifier de domestiques, puisqu’on les retrouve ailleurs dans des sociétés dont le caractère familial n’est pas contesté : je veux parler de la vindicte collective, de la responsabilité collective et, dès que la propriété individuelle commence à faire son apparition, de l’hérédité mutuelle. Mais, d’un autre côté, ce n’est pas une famille au sens propre du mot ; car, pour en faire partie, il n’est pas nécessaire d’avoir avec les autres membres du clan des rapports de consanguinité définis. Il suffit de présenter un critère externe qui consiste généralement dans le fait de porter un même nom. Quoique ce signe soit censé dénoter une commune origine, un pareil état civil constitue en réalité une preuve très peu démonstrative et très facile à imiter. Aussi le clan compte-t-il beaucoup d’étrangers, et c’est ce qui lui permet d’atteindre des dimensions que n’a jamais une famille proprement dite : il comprend très souvent plusieurs milliers de personnes. D’ailleurs, c’est l’unité politique fondamentale ; les chefs de clans sont les seules autorités sociales[1].

On pourrait donc aussi qualifier cette organisation de politico-familiale. Non seulement le clan a pour base la consanguinité,

  1. Si, à l’état de pureté, nous le croyons du moins, le clan forme une famille indivise, confuse, plus tard des familles particulières, distinctes les unes des autres, apparaissent sur le fond primitivement homogène. Mais cette apparition n’altère pas les traits essentiels de l’organisation sociale que nous décrivons ; c’est pourquoi il n’y a pas lieu de s’y arrêter. Le clan reste l’unité politique, et, comme ces familles sont semblables et égales entre elles, la société reste formée de segments similaires et homogènes, quoique au sein des segments primitifs commencent à se dessiner des segmentations nouvelles, mais du même genre.