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les observer avec soin, de les décrire, de les classer ; mais, ce qui est beaucoup plus difficile, il faut encore, suivant le mot de Descartes, trouver le biais par où ils sont scientifiques, c’est-à-dire découvrir en eux quelque élément objectif qui comporte une détermination exacte et, si c’est possible, la mesure. Nous nous sommes efforcé de satisfaire à cette condition de toute science. On verra, notamment, comment nous avons étudié la solidarité sociale à travers le système des règles juridiques ; comment, dans la recherche des causes, nous avons écarté tout ce qui se prête trop aux jugements personnels et aux appréciations subjectives, afin d’atteindre certains faits de structure sociale assez profonds pour pouvoir être objets d’entendement et, par conséquent, de science. En même temps, nous nous sommes fait une loi de renoncer à la méthode trop souvent suivie par les sociologues qui, pour prouver leur thèse, se contentent de citer sans ordre et au hasard un nombre plus ou moins imposant de faits favorables, sans se soucier des faits contraires ; nous nous sommes préoccupé d’instituer de véritables expériences, c’est-à-dire des comparaisons méthodiques. Néanmoins, quelques précautions qu’on prenne, il est bien certain que de tels essais ne peuvent être encore que très imparfaits ; mais, si défectueux qu’ils soient, nous pensons qu’il est nécessaire de les tenter. Il n’y a, en effet, qu’un moyen de faire une science, c’est de l’oser, mais avec méthode. Sans doute, il est impossible de l’entreprendre si toute matière première fait défaut. Mais, d’autre part, on se leurre d’un vain espoir quand on croit que la meilleure manière d’en préparer l’avènement est d’accumuler d’abord avec patience tous les matériaux qu’elle utilisera, car on ne peut savoir quels sont ceux dont elle a besoin que si elle a