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2o Le fait pour un magistrat d’accomplir une legis actio un jour néfaste, et cela intentionnellement ;

3o La profanation intentionnelle des feriæ par des actes interdits en pareil cas ;

4° L’inceste commis par une vestale ou avec une vestale[1].

On a souvent reproché au christianisme son intolérance. Cependant il réalisait à ce point de vue un progrès considérable sur les religions antérieures. La conscience religieuse des sociétés chrétiennes, même à l’époque où la foi est à son maximum, ne détermine de réaction pénale que quand on s’insurge contre elle par quelque action d’éclat, quand on la nie et qu’on l’attaque en face. Séparée de la vie temporelle beaucoup plus complètement qu’elle n’était même à Rome, elle ne peut plus s’imposer avec la même autorité et doit se renfermer davantage dans une attitude défensive. Elle ne réclame plus de répression pour des infractions de détail comme celles que nous rappelions tout à l’heure, mais seulement quand elle est menacée dans quelqu’un de ses principes fondamentaux ; et le nombre n’en est pas très grand, car la foi, en se spiritualisant, en devenant plus générale et plus abstraite, s’est du même coup simplifiée. Le sacrilège, dont le blasphème n’est qu’une variété, l’hérésie sous ses différentes formes sont désormais les seuls crimes religieux[2]. La liste continue donc à diminuer, témoignant ainsi que les sentiments forts et définis deviennent eux-mêmes moins nombreux. Com-

  1. D’après Voigt, XII Tafeln, I, p. 450-455. — Cf. Marquardt, Roemische Alterthümer, VI, 248. — Nous laissons de côté un ou deux scelera qui avaient un caractère laïque en même temps que religieux, et nous ne comptons comme tels que ceux qui sont des offenses directes contre les choses divines.
  2. Du Boys, op. cit., VI, p. 62 et suiv. — Encore faut-il remarquer que la sévérité contre les crimes religieux a été très tardive. Au IXe siècle, le sacrilège est encore racheté moyennant une composition de 30 livres d’argent. (Du Boys, V, 231.) C’est une ordonnance de 1226 qui, pour la première fois, sanctionne la peine de mort contre les hérétiques. On peut donc croire que le renforcement des peines contre ces crimes est un phénomène anormal, dû à des circonstances exceptionnelles et que n’impliquait pas le développement normal du christianisme.