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stuprum ou commerce illégitime avec une matrone. Le père avait le droit de punir sa fille ; le peuple punissait d’une amende ou d’exil le même crime sur la plainte des édiles[1]. Il semble bien que la répression de ces délits soit en partie déjà chose domestique et privée. Enfin, aujourd’hui, ces sentiments n’ont plus d’écho dans le droit pénal que dans deux cas : quand ils sont offensés publiquement ou dans la personne d’un mineur, incapable de se défendre[2].

La classe des règles pénales que nous avons désignées sous la rubrique traditions diverses représente en réalité une multitude de types criminologiques distincts, correspondant à des sentiments collectifs différents. Or, ils ont tous, ou presque tous, progressivement disparu. Dans les sociétés simples, où la tradition est toute-puissante et où presque tout est en commun, les usages les plus puérils deviennent par la force de l’habitude des devoirs impératifs. Au Tonkin, il y a une foule de manquements aux convenances qui sont plus sévèrement réprimés que de graves attentats contre la société[3]. En Chine, on punit le médecin qui n’a pas régulièrement rédigé son ordonnance[4]. Le Pentateuque est rempli de prescriptions du même genre. Sans parler d’un très grand nombre de pratiques semi-religieuses dont l’origine est évidemment historique et dont toute la force vient de la tradition, l’alimentation[5], le costume[6], mille détails de la vie économique y sont soumis à une réglementation très étendue[7]. Il en était encore de même jusqu’à un certain point

  1. Criminalrecht der Roemer, p. 869.
  2. Nous ne rangeons sous cette rubrique ni le rapt, ni le viol, où il entre d’autres éléments. Ce sont des actes de violence plus que d’impudeur.
  3. Post, Bausteine, I, p. 226.
  4. Post, Ibid. — Il en était de même dans l’ancienne Égypte. (V. Thonissen. Études sur l’histoire du droit criminel des peuples anciens, I, 149.)
  5. Deutér., XIV, .3 et suiv.
  6. Ibid., XXII, 5, 11, 12, et XIV. I.
  7. « Tu ne planteras point ta vigne de diverses sortes de plants. » (Ibid., XXII, 9.) — Tu ne laboureras pas avec un âne et un bœuf accouplés. » Ibid., 10.)