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Dans la cité athénienne qui, qui en appartenant au même type que la cité romaine, en représente cependant une variété plus primitive, la législation sur ce point avait le même caractère. Les manquements aux devoirs de famille donnaient ouverture à une plainte spéciale, la γραφὴ κακώσεως. « Ceux qui maltraitaient ou insultaient leurs parents ou leurs ascendants, qui ne leur fournissaient pas les moyens d’existence dont ils avaient besoin, qui ne leur procuraient pas des funérailles en rapport avec la dignité de leurs familles… pouvaient être poursuivis par la γραφὴ κακώσεως[1]. » Les devoirs des parents envers l’orphelin ou l’orpheline étaient sanctionnés par des actions du même genre. Cependant, les peines sensiblement moindres qui frappaient ces délits témoignent que les sentiments correspondants n’avaient pas à Athènes la même force ou la même détermination qu’en Judée[2].

À Rome, enfin, une régression nouvelle et encore plus accusée se manifeste. Les seules obligations de famille que consacre la loi pénale sont celles qui lient le client au patron et réciproquement[3]. Quant aux autres fautes domestiques, elles ne sont plus punies que disciplinairement par le père de famille. Sans doute, l’autorité dont il dispose lui permet de les réprimer sévèrement ; mais, quand il use ainsi de son pouvoir, ce n’est pas comme fonctionnaire public, comme magistrat chargé de faire respecter dans sa maison la loi générale de l’État, c’est comme particulier qu’il agit[4]. Ces sortes d’infractions tendent donc à devenir des affaires purement privées dont la société se désintéresse. C’est ainsi que peu à peu les sentiments domesti-

  1. Thonissen, Droit pénal de la République athénienne, p. 288.
  2. La peine n’était pas déterminée, mais semble avoir consisté dans la dégradation. (V. Thonissen, op. cit., p. 291.)
  3. Patronus, si clienti fraudem fecerit, sacer esto, dit la loi des XII Tables. — À l’origine de la cité, le droit pénal était moins étranger à la vie domestique. Une lex regia, que la tradition fait remonter à Romulus, maudissait l’enfant qui avait exercé des sévices contre ses parents, (Festus. p. 230, s. v. Plorare.)
  4. V. Voigt, XII Tafeln, II, 273.