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CHAPITRE V

PRÉPONDÉRANCE PROGRESSIVE DE LA SOLIDARITÉ ORGANIQUE ET SES CONSÉQUENCES


I

Il suffit en effet de jeter un coup d’œil sur nos codes pour y constater la place très réduite que le droit répressif occupe par rapport au droit coopératif. Qu’est-ce que le premier à côté de ce vaste système formé par le droit domestique, le droit contractuel, le droit commercial, etc. ? L’ensemble des relations soumises à une réglementation pénale ne représente donc que la plus petite fraction de la vie générale, et, par conséquent, les liens qui nous attachent à la société et qui dérivent de la communauté des croyances et des sentiments sont beaucoup moins nombreux que ceux qui résultent de la division du travail.

Il est vrai, comme nous en avons déjà fait la remarque, que la conscience commune et la solidarité qu’elle produit ne sont pas exprimées tout entières par le droit pénal ; la première crée d’autres liens que ceux dont il réprime la rupture. Il y a des états moins forts ou plus vagues de la conscience collective qui font sentir leur action par l’intermédiaire des mœurs, de l’opinion publique, sans qu’aucune sanction légale y soit attachée, et qui, pourtant, contribuent à assurer la cohésion de la société. Mais le droit coopératif n’exprime pas davantage tous les liens qu’engendre la division du travail ; car il ne nous