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IV


Puisque la solidarité négative ne produit par elle-même aucune intégration, et que d’ailleurs elle n’a rien de spécifique, nous reconnaîtrons deux sortes seulement de solidarité positive, que distinguent les caractères suivants :

1o La première relie directement l’individu à la société sans aucun intermédiaire. Dans la seconde, il dépend de la société parce qu’il dépend des parties qui la composent.

2o La société n’est pas vue sous le même aspect dans les deux cas. Dans le premier, ce que l’on appelle de ce nom, c’est un ensemble plus ou moins organisé de croyances et de sentiments communs à tous les membres du groupe : c’est le type collectif. Au contraire, la société dont nous sommes solidaires dans le second cas est un système de fonctions différentes et spéciales qu’unissent des rapports définis. Ces deux sociétés n’en font d’ailleurs qu’une. Ce sont deux faces d’une seule et même réalité, mais qui ne demandent pas moins à être distinguées.

3o De cette seconde différence en découle une autre qui va nous servir à caractériser et à dénommer ces deux sortes de solidarité.

La première ne peut être forte que dans la mesure où les idées et les tendances communes à tous les membres de la société dépassent en nombre et en intensité celles qui appartiennent personnellement à chacun d’eux. Elle est d’autant plus énergique que cet excédent est plus considérable. Or, ce qui fait notre personnalité, c’est ce que chacun de nous a de propre et de caractéristique, ce qui le distingue des autres. Cette solidarité ne peut donc s’accroître qu’en raison inverse de la personnalité. Il y a dans chacune de nos consciences, avons-nous dit, deux consciences : l’une, qui nous est commune avec notre groupe tout entier, qui par conséquent n’est pas nous-même,