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rées, constituées à part, réparties entre les différents parents suivant leur sexe, leur âge, leurs rapports de dépendance, de manière à faire de chacun d’eux un fonctionnaire spécial de la société domestique[1]. Bien loin de n’être qu’un phénomène accessoire et secondaire, cette division du travail familial domine au contraire tout le développement de la famille.


Le rapport de la division du travail avec le droit contractuel n’est pas moins accusé.

En effet, le contrat est par excellence l’expression juridique de la coopération. Il y a, il est vrai, les contrats dits de bienfaisance où l’une seulement des parties est liée. Si je donne à autrui quelque chose sans conditions, si je me charge gratuitement d’un dépôt ou d’un mandat, il en résulte pour moi des obligations précises et déterminées. Pourtant, il n’y a pas de concours proprement dit entre les contractants, puisqu’il n’y a de charges que d’un côté. Cependant la coopération n’est pas absente du phénomène ; elle est seulement gratuite ou unilatérale. Qu’est-ce, par exemple, que la donation, sinon un échange sans obligations réciproques ? Ces sortes de contrats ne sont donc qu’une variété des contrats vraiment coopératifs.

D’ailleurs ils sont très rares ; car ce n’est qu’exceptionnellement que les actes de bienfaisance relèvent de la réglementation légale. Quant aux autres contrats, qui sont l’immense majorité, les obligations auxquelles ils donnent naissance sont corrélatives ou d’obligations réciproques, ou de prestations déjà effectuées. L’engagement d’une partie résulte ou de l’engagement pris par l’autre, ou d’un service déjà rendu par cette dernière[2]. Or, cette réciprocité n’est possible que là où il y a coopération, et celle-ci, à son tour, ne va pas sans la division du travail. Coopérer, en effet, c’est se partager une tâche commune. Si cette dernière

  1. V. quelques développements sur ce point, même livre, ch. VII.
  2. Par exemple, dans le cas du prêt à intérêt.